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Co-étance et économie du don et du partage

Qu'est-ce que la co-étance?

La co-étance s'oppose à l'égocentrisme, l'ethnocentrisme et l'anthropocentrisme, en portant l’attention non prioritairement sur soi-même ou ses semblables mais de manière globale sur l'ensemble des êtres vivants et non vivants qui ont constitué, constituent et consitueront dans le futur notre espace de vie sur la Terre. Cette préoccupation holistique (que l'on pourrait appeler aussi holocentrisme ou, plutôt holoattentisme) se retrouve dans beaucoup de sociétés humaines traditionnelles de tous les continents, que ce soit en Amérique avec certains sociétés amérindiennes encore actuelles, en Afrique, en Asie ou encore chez les aborigènes d’ Australie. Dès leur premier âge les enfants sont éduqués dans cette attention au tout comme une entité unique et intégrant toutes les entités particulières: leurs terres, les êtres vivants, le soleil et le astres, les ancêtres et les générations futures.

Le concept de co-étance a été formulé par le philosophe africain Roger Ekoué Folikoué

Quels rapports avec l'économie du don et du partage ?

L'économie du don et du partage s'oppose à l'économie marchande dans la mesure où toute transaction se fait sans contrepartie immédiate. Dans un paradigme de co-étance le don et le partage sont naturels, car il s'agit avant tout de répondre aux besoins de chacun de manière équitable et dans l'intérêt de tous.

L'économie du don et du partage est à la base de la vie et est ce qui permet la vie. On la retrouve dans les rapports entre générations: on soigne naturellement les nouveaux nés et les enfants sans obligation de réciprocité immédiate. Une bonne illustration de l'importance de l'économie du don est le fonctionnement des sociétés de vampires qui, chaque soir, se retrouvent. Ceux qui ont eu la chance d'ingurgiter beaucoup de sang dans la journée en donnent à ceux qui n'ont pas eu cette chance pour qu'ils ne meurent pas de faim. Peu importe de savoir qui donnera les jours suivants. Le don est totalement gratuit et c'est ce qui assure la survie de l'espèce.

Il est fort à parier que la survie de l'humanité et le bien-être de tous dans une situation de rareté des ressources naturelles passera inévitablement par une économie du don et du partage, comme cela s’est passé souvent dans la longue histoire de notre espèce. C’est ce qui a assuré sa survie et l’assurera à l’avenir, à condition de pouvoir la remettre en vigueur. C'est l'hypothèse sur laquelle nous proposons de travailler et à laquelle il convient de réfléchir dès à présent.

Implications de la coétance et de l'économie du don et du partage

Dans une économie du don et du partage généralisée, le marché et la monnaie comme instrument d'échange n'auront plus de raison d'exister. Cela n'empêche pas la thésaurisation des ressources et la planification de leur utilisation à différentes échelles territoriales en fonction des besoins spécifiques à chacune. Mais au lieu de monnaies d'échange il y aurait, à chaque échelle, des répartitions des responsabilités et des ressources (notamment matérielles et en temps de travail et compétences) , faisant l’objet d’accords et engagements codécidés.

Ainsi, de même qu’à l’échelle d’une AV les citoyens peuvent décider de projets collectifs répondant à leurs besoins de base en se répartissant les responsabilités entre familles, suivant les possibilités et intérêts de chacune, de même au niveau d’un partenariat communal ou intercommunal les projets peuvent se décider en répartissant les responsabilités entre AV et autres acteurs pour couvrir les besoins, et ainsi de suite à chaque échelle.

Raisons de la pertinence d’une économie du don et de partage

Si on raisonne non en termes de PIB mais de bien-être de tous tout en préservant les ressources naturelles, l’économie du don et de partage est beaucoup plus efficiente que l’économie marchande :

  • Elle évite les énormes gâchis que provoque cette dernière pour plusieurs raisons:
    • Les décisions de production se font suivant les besoins, évitant les offres perdues dans tous les maillons de la chaîne économique.
    • Elle incite à des services et produits durables, évitant les tendances à l’obsolescence et la surconsommation
  • Elle est génératrice ce liens de solidarité, de responsabilité, de sens et de reconnaissances, qui sont autant de composantes du bien-être et de l’épanouissement de chacun, presque toujours ignorés, voire même maltraités dans les rapports marchands.

De l’économie non marchande à l’économie de don et de partage

L’économie de don et de partage se retrouve dans tout ce qui est considéré comme de l’économie non-marchande. Outre ce qui se passe dans les familles, on la retrouve :

  • dans l’économie sociale et solidaire ;
  • dans le secteur public. En effet chaque contribuable contribue par ses impôts à la mobilisation de moyens pour répondre à des besoins collectifs, que ce soit localement (niveau municipal) ou à d’autres niveaux.
  • L’économie de coopération et de fonctionnalité participe également à un rapprochement entre production et besoins.

Néanmoins les marges de progrès vers une économie de don et de partage sont encore énormes :

  • Concernant le secteur public, l’impôt est souvent considéré comme une obligation dont on cherche à se défaire de différentes manières. Le considérer comme une contribution à un effort collectif nécessaire pour le bien-être de tous change complètement la donne, par exemple en payant les impôts en temps de travail et non plus en argent. Faire évoluer l’économie publique vers une véritable économie du don et du partage suppose que les contribuables soient associés individuellement et collectivement à l’évaluation des besoins et aux décisions d’affectation de ressources, ce qui rejoint les questions de démocratie. La gouvernance pluriniveaux proposée avec les associations de voisinage vont dans ce sens, en articulant démocratie directe, collaborative et représentative. Une gestion des services publics sur cette base permettrait de réduire drastiquement les coûts, y compris en émissions de GES, apparaissant de facto comme la seule voie possible pour tenir les engagements pris lors des accords de Paris en 2015.
  • L’économie de coopération et de fonctionnalité peut être organisée de manière beaucoup plus systématique dans une économie de don et de partage.

Quelle transition envisageable ?

La transition d’une économie marchande vers une économie du don et du partage représenterait un tel bouleversement que l’on a du mal à s’imaginer tout ce que cela implique. Cela nécessite un processus expérimental et d’apprentissage, à commencer dans les AV, notamment avec le jeu de la coresponsabilité glocale. Au delà de l’exploration de ce qui est possible il invite à préciser les responsabilités des uns et des autres. Le même type de jeu pourrait être conçu aux différentes échelles, sachant que les actions et les responsabilités à codécider ne sont pas du même ordre. A titre indicatif,

  • à l’échelle des associations de voisinage il s’agit essentiellement d’action de mise en commun (covoiturage, partage des biens, etc.) et de production locale (agriculture et alimentation, énergies renouvelables, etc)
  • à l’échelle des communes il s’agit d’actions concernant la gestion de l’eau, l’entretien des espaces publics et le traitement et le recyclage (eau, déchets, habits, etc.), les petites réparations, etc.
  • à l’échelle de l’intercommunalité (ou municipal) d’autres questions se posent concernant les infrastructures publiques, l’aménagement des espaces, les services publics spécialisés, tels que les hôpitaux, etc.
  • à l’échelle régionale, voire au dessus  vient la production industrielle d’équipements, machines outils
  • à l’échelle continentale voire mondiale vient la gestion des ressources du sous-sols

Rapports entre les échelles

La coresponsabilité implique que chaque échelle participe d’une manière ou d’une autre aux échelles supérieures : comment, par exemple, une association de voisinage participe-t-elle à des services publics ou privés à des échelles supérieures. Cela nécessite un dialogue vertical où les AV réfléchissent à ce qu’elles peuvent fournir en compétences, temps de travail, etc. pour répondre à des besoins supérieurs. Cette question est posée dans le jeu de la coresponsabilité glocale

Le rôle du système éducatif et de la recherche

La transition d’une économie marchande vers une économie du don et du partage nécessite un appui et un accompagnement du système éducatif et de recherche à toutes les échelles :

  • à l’échelle des AV et des communes l’implication des enfants et des écoles primaires est essentielle
  • à l’échelle intercommunale l’enseignement secondaire peut jouer un rôle de capitalisation et d’appui méthodologique ;
  • L’implication des universités aiderait à tirer des enseignements plus généraux concernant la gouvernance, la démocratie, la coévaluation des impacts, l’organisation et l’exploitation des données statistiques, etc.

Notes additionnelles

L’évolution d’une économie marchande basée sur la mesure par l’argent (des coûts, des productions, du PIB, etc.) à une économie du don et du partage basée sur la mesure de valeurs physiques (temps, compétences, biens matériels, etc.) va dans le sens d’un réencastrement de l’économie dans l’environnemental et le social (cf Karl Polanyi))


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