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Artisanat et transformation des ressources locales.

Depuis le XVIIIème siècle et la Révolution Industrielle, la production se base presque uniquement sur des considérations liées à la productivité et au rendement, faisant de la croissance économique le seul objectif à poursuivre et relayant les activités d’artisanat au statut de reliquat du passé. L’accent est désormais mis sur les grosses entreprises et la distinction est créée entre le bien produit, sa valeur et le travailleur qui le produit. Ainsi, la production industrielle tend de plus en plus vers l’uniformisation de la production, exploitant les matières premières de manière non durable ni responsable et mettant de côté toute la démarche créative liée à l’artisanat. Les travailleurs industriels sont alors souvent considérés comme des outils, des machines, dont le seul rôle est celui de reproduire à grande échelle une production standardisée sans exploiter le potentiel présent en chaque travailleur. Ce mode de production a amené aujourd’hui à la disparition de beaucoup de formes d’artisanat, alors s’avère mieux répondre aux critères de bien-être, d’insertion sociale ou d’écologie, mais aussi de lutte contre la pauvreté.

Yaniv Golan CC2.0 BY-SA
Yaniv Golan CC2.0 BY-SA

L’artisanat se propose donc comme une réponse aux problèmes liés aux modes de production actuel car il rencontre 8 objectifs cruciaux développés ci-dessous :

1)Création d’emploi pour les personnes ayant des difficultés à en trouver

Un avantage de l’artisanat est qu’il représente une alternative pertinente au marché du travail traditionnel. Alors que certaines personnes ont des difficultés à trouver un emploi, notamment par faute de qualification, l’artisanat crée des emplois à partir de la variété de compétences existant déjà et pouvant être exploitées directement. Ainsi, le projet de Creative Handicraft en Inde est de fournir un revenu aux femmes de familles désavantagées. Elles fabriquent alors des vêtements, des sacs, ou autre textiles, ou encore vendent quotidiennement aux entreprises de la région des paniers-repas, ce qui leur permet de s’assurer un revenu

2) Valorisation des savoir-faire traditionnels

L’artisanat est une forme de création qui s’appuie sur des connaissances et des savoir-faire traditionnels déjà présents au sein des territoires qui le développent, valorisant ceux-ci. De plus, l’artisanat promu par l’approche coresponsable qui se base sur les savoirs individuels et collectifs, notamment chez les personnes âgées, les adapte aux conditions actuelles (technologies, etc...) C’est le cas du projet Craft Network, né en 1999, qui se concentre sur les connaissances profondes des artisans locaux et travaille à la conservation de l’héritage rural de ces expressions artistiques artisanales, ancrées à un territoire et représentatives de leur culture locale.

3) Valorisation des matières premières locales disponibles

L’artisanat a également la caractéristique d’exploiter et de valoriser les ressources présentes localement, notamment celles qui sont peu utilisées et peu mises en valeur. C’est le cas par exemple des sous-produits ou des déchets, pouvant être recyclés et à qui une deuxième vie peut être offerte dans une création artisanale. Par exemple, l’association Amor-Peixe rassemble des femmes sur les rives de la rivières Paraguay. Celles-ci utilisent la peau de poissons habituellement jetée pour les transformer en objet d’artisanat, tels que des bijoux, des ceintures, des sacs ou autres accessoires. Non seulement les femmes se voient obtenir un revenu mais c’est également un excellent exemple de réutilisation de ressources locales et qui plus est, de déchets.

4) Assurer une production peu consommatrice d’énergie.

De la même manière, l’artisanat est un type de production consommant peu d’énergie. Cette valorisation des ressources et cette production faible consommatrice d’énergie respecte donc totalement l’aspect durable qui est présent dans la logique de la coresponsabilité

5) Mettre l’accent sur l’esthétique et l’harmonie visuelle comme source de bien-être de tous.

L’artisanat permet également de rencontrer un des ingrédients du bien-être qu’est l’esthétique et l’harmonie visuelle. En effet, en travaillant sur l’esthétique d’œuvres décoratives mais aussi d’objets à usage courant, l’artisanat met l’accent sur des composantes constructrices du bien-être.

6) Assurer le bien-être au travail par l’autonomie et la créativité.

L’artisanat permet également le bien-être au travail car il respecte l’autonomie de l’artisan dans le choix de sa création, celle-ci reposant directement sur ses compétences. Cette autonomie dans le choix de la création laisse également une large place à la créativité et à l’imagination. Ces deux éléments garantis par l’artisanat sont des ingrédients important du bien-être au travail.

7) Développer la coresponsabilité par la complémentarité des compétences.

L’hybridation des compétences qu’on peut retrouver dans l’artisanat permet également de développer des formes de coresponsabilité dans la production artisanale et permet de trouver des voies novatrices de combinaison intelligente des ressources pour s’assurer de la pertinence de la création artisanale face aux modèles de production industriels. Ainsi, le couplage entre les savoir-faire locaux, les ressources locales et les technologies disponible débouche sur une production à la fois connectée aux terrains et à leur particularité, mais permet également de développer une forme de coresponsabilité entre les différents acteurs dans la création artisanale. Par exemple, le projet Technical Ancestry, Current Solutions (TASA), en Algarve, applique des stratégies économiques aux produits de l’artisanat permet de donner de nouvelles perspectives commerciales aux populations locales et à leur production artisanales, tout en suivant une logique coresponsable.

8) Assurer une fonction pédagogique.

L’artisanat permet également une transmission des savoirs et assure une fonction pédagogique auprès des jeunes générations. L’initiative Escola de Mestres est représentative de cette transmission des savoirs que permet l’artisanat. Développée par l’Institut Polytechnique de Beja, cette initiative du sud de l’Alentejo veut identifier les artisans locaux, répertorier leur domaine et mettre en relations ces « maitres » avec les jeunes afin de leur transmettre ce savoir et perpétuer les pratiques artisanales anciennes dans la région.

Nouvelles expérimentations à réaliser :

La question qui se pose alors maintenant est : « Comment la coresponsabilité peut-elle redonner vie à l’artisanat et parvenir à un projet de développement de l’artisanat local ? »

L’idée principale de la coresponsabilité est que tout le monde agisse ensemble pour élaborer des projets qui puissent assurer le bien-être de tous, tout en ayant le moins d’impact environnemental possible. Ainsi, il s’agit de projets portés par une Plateforme Multi-acteurs, composée de différents acteurs de la société comme des citoyens (pouvant être réunis dans une association d’habitants d’un quartier ou d’une commune) et des acteurs publics et privés (telles que des entreprises, des ONG ou une mairie). Cette Plateforme va alors créer un groupe de travail afin de discuter des questions et enjeux touchant à l’artisanat sur leur territoire.

La coresponsabilité propose alors de mettre en places de nouvelles stratégies territoriales pour le développement de l’artisanat. Ces nouvelles stratégies nécessitent cependant un renouvellement et une transformation des perceptions conventionnelles autour de l’artisanat. Ce renouvellement touche 4 aspects :

1. En premier lieu, renouvellement vise la complémentarité des savoirs autour d’un produit et suppose que le produit en question puisse permettre, de par ses caractéristiques, la récupération de connaissances variées. Il s’agit en fait de un processus catalyseur autour d’un objet qui deviendra l’expression d’une multiplicité de connaissances et compétences.

2. En deuxième lieu, ce renouvellement vise également l’élaboration d’une pédagogie de « reconnaissance positive», à l’opposé de la simple possession d’un objet d’art. La pédagogie de la reconnaissance positive implique que l’objet puisse être porteur de sens et librement manipulable. Porteur de sens, parce que regroupant plusieurs savoirs il exprime des identités territoriales ou des symboles d’appartenance qui méritent d’être transmis aux générations futures et reconnus comme importants par les générations présentes. Librement manipulable, parce que malgré sa beauté il peut être mis dans les mains des enfants ou de n’importe quelle personne intéressée.

3. En troisième lieu, il vise la rénovation par la créativité de nouveaux prototypes. S’agissant d’une hybridation de connaissances, les prototypes catalyseurs devraient être créés avec soin et par une recherche approfondie, tant au niveau des matériaux que du message à transmettre. Les prototypes pourront être crées par des connaisseurs exogènes, artistes ou autres, partageant la volonté de transmettre leur savoirs afin de déclencher des processus locaux de création d’emploi et de compétences.

4. En quatrième lieu, il vise à montrer l’intérêt de l’ouverture et de la coopération, allant au-delà des « localismes » qui empêchent souvent toute forme d’hybridation. Le concept de coresponsabilité plutôt que comme seul interaction d’acteurs locaux s’exprimera comme volonté de préservation de savoirs qui sont en voie de disparition et qui sont néanmoins indispensables à l’affirmation de ces aspects des identités qui font des territoires européens des espaces d’échange et de construction d’avenir. Il s’agit aussi de réhabiliter le besoin de transmettre aux générations futures la reconnaissance positive de leurs identités, non pas comme refus de la différence, mais comme capacité d’interagir avec la différence, seul chemin d’ouverture de nouvelles voies de vie ensemble.


Dernière modification de la page : Jeudi 02 juillet 2015 14:35:51 UTC